Nicola Randone est décidément une valeur sûre du prog italien. Après trois très beaux albums (Nuvole di ieri,  Morte di un amore et Ricordo en 2004) et les participations très remarquées aux projets Kaleva et Spaghetti Epic, Nicola nous revient en cette fin d’année 2005 avec Hybla. Si le line up reste le même que pour le précédent cd (Nicola aux claviers, chant et guitare acoustique ; Riccardo Cascone à la batterie, Marco Crespi à la guitare et Livio Rabito à la basse), la construction de ce nouvel opus s’est fait de manière tout à fait différente. Tout d’abord, Nicola s’est éloigné des histoires personnelles de sa vie quotidienne pour s’en aller vers un concept tout à fait nouveau pour ce quatrième cd. Fasciné par le livre de Mimi Arezzo Ibla dei miracli, Nicola a décidé carrément de mettre en musique cet ouvrage qui conte l’histoire de sa ville Hybla (aujourd’hui Ragusa) de sa fondation jusqu’à sa destruction par un tremblement de terre le 09 janvier 1693. Le choix de Nicola a été de composer 25 pièces très courtes (ne dépassant pas les 4 à5 minutes) s’enchaînant les unes aux autres pour finalement atteindre les 52 minutes  et 21 secondes de l’ouvrage. Le groupe est secondé par des renforts de choix : Beppe Crovella, le légendaire clavier de Arte e Mestieri, officie au moog et mellotron, Carmello Corrado Caruso, un bariton exceptionnel, vient apporter la puissance de sa voix, Lautaro Acosta la beauté de ses solos de violon et  Bianca La Rosa le cristallin de son chant. Si le prog anglais et italien des origines est toujours prioritairement présent, ce cd emprunte des voies jamais explorées par Nicola et ses musiciens. Par exemple, le morceau Bernardo Cabrera est éclairé par un flamboyant solo de guitare flamenco. La caccia nous offre un solo de sax endiablé, à la limite du free jazz. Mais le plus surprenant dans Hybla est de constater que les atmosphères se font souvent très orientales ou moyenâgeuses avec des couleurs très musique sicilienne. L’influence du Franco Battiato de fisiognomica se fait sentir aussi parfois dans certaines parties chantées. Dans Gian Battista Odierna, le chant grégorien entre également en scène. Durant certains passages, nous avons même l’impression d’écouter un opéra. Tout le cd est ainsi parsemé de clins d’œil et de vraies trouvailles musicales, dont la liste serait bien trop fastidieuse et que je vous laisse le soin de découvrir. Mais, rassurez-vous, les  splendeurs prog ne sont jamais très loin : la fine del Chiaramonte est un pur joyau de prog symphonique avec un solo de claviers somptueux,  à réveiller notre cher Tony Banks qui hiberne depuis maintenant pas mal de temps. Tout Hybla est empreint d’une force créatrice peu commune avec un maximum de temps forts et des changements d’univers constants qui semblent tout naturels. Mais dans toute œuvre artistique, ce qui semble couler de source est toujours marqué du sceau d’un travail de fond impressionnant. Cet opéra baroque mérite que l’on parle de lui et pas seulement dans les sphères prog. Il est tout simplement superbe et à ce jour leur meilleur opus.Lors de notre article présentant Ricordo (Harmonie n° 53), nous pressentions que la marge de manœuvre et  de progression du groupe Randone était encore très grande. Hybla est la preuve limpide et incontestable de cette prédiction.

Raymond Sérini